Il y a cinq ans seulement, le simple fait de poser cette question faisait encore sourire. Aujourd’hui, l’Association Américaine de Médecine Anti-Vieillissement (A4M) regroupe plus de 5.000 médecins et délivre des diplômes chaque année à plusieurs centaines de nouveaux praticiens.
La Conférence Européenne sur la Longévité (EAQUALL), qui s’est tenue à Bruxelles du 24 au 26 septembre 1998 sur l’initiative de la branche européenne de l’A4M, a connu un succès retentissant qui témoigne de l’intérêt que suscite enfin la démarche longévitale sur le vieux continent. Signe des temps, la médecine anti-âge sort du purgatoire où l’avaient enfermée les traditionalistes et attire maintenant des praticiens de plus en plus jeunes et brillants. De nouvelles entreprises éclosent chaque jour et elles rassemblent des capitaux de plus en plus importants. Le rythme d’acquisition des connaissances s’accélère. Dans 10 ans, nous en saurons au moins cinq fois plus qu’aujourd’hui sur les technologies anti-âge !
La réponse à la question "Peut-on retarder le vieillissement ? " est : Oui, sans aucune ambiguïté. Les produits et les technologies existent ; elles permettent de retarder, de suspendre et même parfois d’inverser nombre de manifestations dégénératives associées au vieillissement. En novembre, Nutranews présentera les derniers-nés de ces produits et techniques et un compte rendu détaillé de la passionnante conférence de Bruxelles. Ce mois-ci, en préambule, nous ferons le point sur les conclusions actuelles de la recherche en matière de théories du vieillissement.
Les Théories du vieillissement
Aucune "théorie universelle " du vieillissement n’existe encore. D’un point de vue strictement Darwinien, la période de nos vies la plus importante est celle de la reproduction, et nous n’avons plus grande utilité pour la nature après 40 ou 50 ans. En fait, la "longue vie "est un cadeau de la science et de la technologie du 20 ème siècle. L’accroissement de l’espérance de vie a été plus important en un siècle qu’il ne l’avait été dans les millénaires précédents !
Il existe quatre théories principales du vieillissement. Chacune explique certains aspects de ce processus handicapant.
1- La théorie de "l’usure"
a été proposée par le Dr Auguste Weismann en 1882. Il pensait que le corps et ses cellules étaient endommagés par leur sur-utilisation et les abus qu’ils subissent. Les organes, le foie, l’estomac, les reins, la peau subissent l’usure infligée par les toxines alimentaires, l’environnement, la surconsommation de graisses, de sucre, d’alcool et de nicotine, les rayons ultra violets et les autres facteurs de stress. Cette usure prend également place au niveau cellulaire. Bien sûr, cette théorie n’explique pas tout, puisque même si vous vous vivez une vie de moine, vous vieillissez quand même. Notez cependant que les suppléments nutritionnels sont particulièrement efficaces pour aider le corps à se réparer et à maintenir organes et cellules en condition optimale.
2- La théorie neuro-endocrine (ou théorie hormonale)
a été développée par Vladimir Dilman, Ph.D., qui a étudié en détail le réseau biochimique complexe qui gouverne notre système endocrinien et la production de nos hormones sous la direction de l’hypothalamus, une petite glande située dans le cerveau. Lorsque nous sommes jeunes, cette production hormonale est élevée et lorsque nous vieillissons, elle diminue parfois de manière importante. Ainsi, dès l’âge de 30 ans, notre production d’hormone de croissance se réduit ce qui explique la diminution de la masse musculaire et l’augmentation de la masse graisseuse. Après 40 ou 50 ans les niveaux d’oestrogènes, progestérone et testostérone vont baisser, entraînant ménopause et andropause. Il en va de même de l’hormone thyroïdienne et de la mélatonine produite par la glande pinéale. La supplémentation hormonale de substitution, qui est un composant essentiel des thérapies anti-vieillissement, permet de "remettre à zéro" l’horloge hormonale et ainsi de retarder ou d’inverser de nombreux effets du vieillissement.
3- La théorie du contrôle génétique
Cette théorie de "l’obsolescence planifiée" est fondée sur le programme génétique encodé dans notre ADN. Notre héritage génétique influence en grande partie le rythme auquel nous vieillissons et l’âge maximum que nous atteindrons. C’est le débat entre l’inné et l’acquis qui ne poursuit à l’intérieur même de nos cellules…
La médecine anti-vieillissement répond à cette question en accroissant la quantité du matériau de base de l’ADN dans les cellules, en protégeant l’ADN et en stimulant sa capacité à s’auto réparer.
4- La théorie des radicaux libres
Cette théorie révolutionnaire a été développée par le Dr Denham Harman, de l’Université de Médecine du Nebraska. La présence de radicaux libres (des molécules dotées d’un nombre impair d’électrons) reflète l’activité des processus oxydatifs dans l’organisme. L’oxydation se produit dès que l’on ajoute de l’oxygène à une substance et en ce sens on peut dire que c’est le carburant même qui nous fait vivre qui nous détruit, en nous "rouillant" et en nous "rancissant". Les radicaux libres attaquent également les membranes de nos cellules, très sensibles à l’oxydation puisque constituées de lipides insaturés. L’oxydation des membranes crée un déchet métabolique, la lipofuscine, qui en s’accumulant dans l’organisme apparaît sur la peau en formant ce que l’on nomme les "tâches de vieillesse". La lipofuscine interfère avec la capacité des cellules à se reproduire et contrarie la synthèse de l’ADN et de l’ARN. L’activité radicalaire peut aussi entraîner la prolifération de cellules mutantes, conduisant ensuite au cancer et à la mort. Les radicaux libres attaquent le collagène et l’élastine, et les rides témoignent sur notre peau de l’intensité du stress oxydatif que nous avons subi.
Les substances qui combattent l’activité radicalaire sont les antioxydants. Les antioxydants naturels comprennent le bêta-carotène, les vitamines C et E, et bien d’autres nutriments. Les antioxydants agissent individuellement mais ils peuvent aussi s’unir pour aider le corps à fabriquer des composés endogènes, comme les enzymes Superoxyde Dismutase et Glutathion Peroxydase.
La supplémentation nutritionnelle est un moyen exceptionnellement actif et puissant pour aider l’organisme à résister au vieillissement résultant du stress oxydatif.
D’autres théories ont également été proposées, et permettent de compléter la compréhension de ce phénomène complexe :
- La théorie de l’accumulation des déchets -
postule que nos cellules produisent davantage de déchets qu’elles ne peuvent en éliminer. Lorsque la présence de déchets est trop importante, la cellule meurt. La lipofuscine (déjà citée) constitue le principal de ces déchets.
- La théorie de la limite de Hayflick -
En 1961, le Dr Hayflick a démontré que les fibroblastes humains (cellules de la peau, des poumons, des muscles) ont une durée de vie limitée. Ils se divisent environ 50 fois et meurent. Cependant, la nutrition semble avoir un effet sur le rythme auquel les cellules se divisent (des cellules bien "entretenues" se divisent 3 fois plus lentement). Par ailleurs, "la limite de Hayflick" semble placée sous la dépendance du matériel génétique cellulaire, sur lequel des interventions deviennent possibles (voir "télomèrase").
- La théorie mitochondriale -
Les mitochondries sont les "centrales énergétiques" des cellules et produisent l’ATP, notre principale source d’énergie. Ce processus génère, lui aussi, des radicaux libres pour lesquels les mitochondries sont des cibles faciles, car elles sont démunies de la plupart des systèmes de protection présents dans les autres parties de la cellule. L’ADN mitochondrial accumule les dommages oxydatifs. Heureusement, certains antioxydants (Coenzyme Q10, Acide alpha lipoïque) ont la capacité de pénétrer les mitochondries et de les protéger.
- La théorie des liaisons croisées -
Les liaisons croisées apparaissent lorsque à l’occasion d’un excès de sucre dans le sang, les molécules de glucose réagissent avec les protéines : c’est le phénomène de glycation. Les liaisons croisées rigidifient le collagène, ce qui rend les tissus plus raides et contrarie la communication entre les cellules. Les gens qui mènent une vie active, qui se nourrissent correctement et qui prennent des suppléments nutritionnels semblent inhiber le processus de glycation.
- La théorie de la restriction d’énergie -
est proposée par un gérontologue respecté de l’Université de Californie (Los Angeles), le Dr Roy Walford. Le Dr Walford a démontré clairement, sur des modèles animaux, que la "sous nutrition sans malnutrition" (un régime faible en calories et riche en nutriments) peut retarder le vieillissement fonctionnel, et peut-être même le vieillissement chronologique. Les sujets tests perdent graduellement du poids jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau "d’efficacité métabolique" maximal. Le Dr Walford recommande également la supplémentation nutritionnelle et l’exercice.
- La théorie des télomères -
est la plus récente. Elle est pleine de promesses pour les praticiens de la médecine anti-vieillissement. Les télomères ont été découverts par les chercheurs de Geron Corporation à Menlo Park (Californie). Ce sont des séquences d’acides nucléiques qui se trouvent au bout des chromosomes, dont ils maintiennent l’intégrité. A chaque division cellulaire, les télomères raccourcissent, ce qui conduit finalement à la mort des cellules. L’enzyme télomèrase, qui est présente uniquement dans les cellules germinales et les cellules cancéreuses, est l’élément clef de la maintenance et de la réparation des télomères, conférant ainsi potentiellement aux cellules une capacité de division infinie. Les travaux de Geron Corporation visent à la fois à réparer les télomères des cellules usées, pour les remettre à neuf, et à inhiber l’action de la télomèrase dans des cellules cancéreuses, pour les empêcher ainsi de se diviser.
Malgré les immenses progrès réalisés par la recherche sur le vieillissement, il n’y a pas encore d’accord unanime entre les chercheurs sur une théorie du vieillissement. Peut-être n’y a t’il pas de théorie universelle ? Une chose est sûre cependant : les travaux de la gérontologie théorique et ceux de la médecine anti-vieillissement tendent à repousser la limite de la longévité humaine et à retarder, voire à éliminer, les ravages du vieillissement !
Cet article est largement inspiré du chapitre "Theories of aging"de l’ouvrage du Dr Ronald Klats, Président de l’A4M, "Stopping the clock" (Keats Publishing, 1996)